Pour une agriculture bio et locale
Véronique et Sylvain PATHOUX. Leur référente AMAP est MATHIEU Maryse.
Lundi 14 novembre 2016 La voix de l’Ain
Villemotier : Sylvain Pathoux, maraîcher bio : « Je redécouvre la vie ! »
Maraîcher bio depuis quelques années, Sylvain Pathoux raconte son choix et la manière dont il travaille. Entretien.
Vous êtes maraîcher bio depuis peu d’années. Pourquoi avez-vous changé de métier ?
Après quelques années passées comme responsable dans un atelier agro-alimentaire, à mener une vie à cent à l’heure, j’ai eu de nombreux et gros problèmes de santé. Des mois de convalescence m’ont fait réfléchir. Je suis marié, j’ai deux enfants. Quand on est au fond du gouffre, il faut remonter, c’est loin d’être facile tous les jours. Après ma convalescence, j’étais tout seul à la maison. Être souvent dehors, c’est drôlement bien ! Je ne connaissais que « 4 murs, 6 h du matin, 9 h du soir ». Je me suis rendu compte que la vie est précieuse. Être proche des choses de la nature, manger sainement, m’a aidé à remonter la pente. C’est donc tout naturellement que l’idée de faire du maraîchage bio a fait son chemin.
Pourquoi bio ?
J’ai connu des personnes qui sont mortes au moment de la retraite à cause des produits phytosanitaires et autres utilisés en agriculture. Si ces saloperies peuvent tuer des gens, pas la peine de demander ce que ça peut faire si on en consomme tous les jours ! Je ne veux pas tuer ma famille à petit feu ! La santé est un bien tellement précieux ! Il faut absolument la protéger ! On constate que la couche de terre arable diminue, mais il faudrait peut-être se remettre à écouter la terre et la nature ! L’époque de la production à tout prix d’après-guerre est dépassée. On a tout ce qu’il faut pour protéger nos cultures et produire normalement sans avoir recours à la chimie industrielle. Il me fallait aussi trouver une alternative sur des circuits courts, car je voulais un travail à taille humaine. Et quand on se lance, il vaut mieux y aller tout seul !
Quelle a été votre démarche d’installation ?
Suite à une visite de ferme en production biologique, j’ai rencontré un pionnier en la matière, Michel Favrot de Jassans-Riottier. J’ai ensuite effectué une formation au CFPPA de Montmorot. Après divers stages, je me suis installé sur une surface de 2 hectares. Les débuts ont été très difficiles car j’ai eu une absence totale de soutien surtout administratif et bancaire. Heureusement, j’ai toujours eu le soutien sans faille de ma femme et de ma famille. Pour m’aider à la comptabilité et à la gestion, j’ai découvert une association d’agriculteurs qui est l’AFOCG de l’Ain. C’est une association qui nous aide et nous encourage et surtout où l’on ne nous regarde pas avec un sourire narquois ou carrément de travers quand on parle de petite structure.
Comment avez-vous franchi les premières étapes de votre vie de maraîcher ?
Je voulais maîtriser mon activité de la production jusqu’à la vente. J’ai commencé avec l’AMAP du Carouge et la vente de paniers de légumes. J’arrive rapidement à 45 paniers de légumes vendus par semaine. Petit à petit, je me suis fait une clientèle qui m’est toujours fidèle, tant avec les paniers qu’avec la vente à la ferme. En 2013, j’ai installé mes premiers tunnels, uniquement avec des fonds propres. Je peux ainsi avoir des légumes plus tôt au printemps et plus tard en fin d’année, ça complète ma production en plein champ. Au fur et à mesure que l’argent arrive, je m’équipe en matériel, je construis un hangar et une chambre froide. En 2014, j’obtiens mon label Bio, au bout des deux années légales de conversion.
Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Aujourd’hui, je vends 85 paniers par semaine sur deux AMAP, celle du Carouge et celle de l’Hirondelle de Rivage à Bohas. Je fais un marché le dimanche matin à Saint-Étienne-du-Bois, c’est un marché qui monte en puissance de vente. Suite à une demande de la Comcom du canton de Coligny, depuis le début du mois, je fournis la crèche de Bény. J’ai aussi eu des
demandes pour fournir des magasins de producteurs, existants et en projets, bien avancés pour certains. Je fournis aussi le restaurant Le Voyage des Sens à Cuisiat. Le chef, Nicolas Morelle, cherchait un vrai maraîcher avec des produits bio, frais et locaux. Mes produits correspondaient à son attente car il voulait mettre en avant l’authenticité du terroir qui donne un goût particulier et spécifique à chaque légume. Et cerise sur le gâteau, grâce à Didier Goiffon, de la Marelle à Péronnas, ce restaurant a été repéré par le club des cuisiniers de l’Ain, avec, comme conséquence, la participation à une émission culinaire pour la télévision. Nicolas Morelle va cuisiner un plat pour l’émission Goûtez-voir animée par Odile Mattéi. L’émission sera retransmise samedi 19 novembre à 11 h 30 sur FR3 Rhône-Alpes, avec la présentation des producteurs chez qui le cuisinier se fournit.
Que vous a apporté votre nouveau métier et en vivez-vous ?
J’apprends tout le temps, j’apprends à connaître ma terre. Ici, la terre est un peu plus lourde qu’en zone traditionnelle de production maraîchère. Les techniques de travail sont un peu différentes aussi. Tout le monde me disait que je ne tiendrai jamais à cause de mes antécédents médicaux, mais je me suis rapproché de la nature ! Physiquement, je me suis endurci, je suis beaucoup plus résistant car je vis avec les saisons. J’apprends tous les jours, sans vraiment le chercher, que l’agriculture conventionnelle a beaucoup de choses à revoir. Je ne suis pas riche au sens financier car je réinvestis une bonne partie de l’argent gagné pour mieux m’équiper, mais je suis riche de santé, d’un cadre de vie et d’un bien-être inégalable. J’ai le bonheur de voir grandir mes enfants !
Quels sont vos projets ?
Je souhaite monter quatre serres supplémentaires pour avoir assez des légumes en hiver et en intersaison. J’ai en prévision d’agrandir avec deux ou trois hectares supplémentaires afin de faire des rotations plus longues pour les cultures et fournir, entre-autres, les demandes de paniers qui sont sur la longue liste d’attente. Je suis aussi conscient que je serai limité en temps de main-d’oeuvre. Je réfléchis pour trouver la solution qui me conviendra le mieux.
Que diriez-vous pour conclure ?
Être dehors, sentir le froid, le chaud, plus de stress ! Je redécouvre la vie ! Je dors la nuit sans avoir à préparer le programme chargé du lendemain comme quand j’étais en entreprise. Je redécouvre les saisons, les jours, les nuits, le plus naturellement du monde. En somme, je revis ! Je fais ce que j’aime et je le fais comme je l’entends. Je suis bien tout seul, je décide seul. Si ça ne va pas, c’est à moi seul de régler le problème. Je sens que la tendance à manger Bio et de meilleure qualité fait son chemin, et ça, ça me donne encore plus de force pour continuer !